lundi 1 juin 2009

« Le dossier est truqué »





Dans « Le Coup de Tarnac », le journaliste Marcel Gay dénonce un dossier monté de toutes pièces à des fins politiques. Par peur d'une explosion sociale. Paru dans Sud Ouest le 31 Mai 09. Propos recueillis par Pierre-Marie Lemaire.

Après six mois de détention provisoire, Julien Coupat a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Il est rentré chez lui, en Seine-Saint-Denis, avec l'obligation de pointer chaque semaine au commissariat de Montreuil. Son avocate, Irène Terrel, a fait appel des conditions imposées par le juge d'instruction, notamment le versement d'une caution de 16 000 euros.

Un livre consacré à l'affaire de Tarnac vient d'être publié sous la plume de Marcel Gay, journaliste à « L'Est républicain ». « Le Coup de Tarnac » n'est pas seulement une utile compilation de tout ce qui a été dit et écrit depuis le 11 novembre 2008 et l'irruption de 150 policiers encagoulés dans ce paisible village de Corrèze. Marcel Gay rassemble les pièces du puzzle pour leur donner leur cohérence et les mettre en perspective. Avec pour conclusion : « Julien Coupat et ses amis sont devenus bien malgré eux les symboles de la dérive sécuritaire du pouvoir. »

« Sud Ouest ».

Que vous inspire la remise en liberté de Julien Coupat ?

Marcel Gay. C'est la démonstration de ce que j'écris dans le livre : il n'y a dans le dossier aucune charge matérielle évidente qui mette en cause Julien Coupat et ses amis.

Qu'est-ce qui a justifié sa libération cette semaine plutôt que les semaines précédentes ?

Rien. Sa dernière audition par le juge a eu lieu mercredi, elle a duré six heures, et elle n'a pas fait avancer le dossier d'un pouce. S'il est sorti, c'est sur ordre du parquet.

Cette volte-face s'explique : Julien Coupat est devenu politiquement plus gênant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Son interview au « Monde », quel coup de pied aux fesses !

Pourquoi avoir écrit un livre à chaud sur l'affaire de Tarnac ?

J'ai compris d'emblée qu'il ne s'agissait pas d'un fait divers mais d'une affaire politique. Dès le 11 novembre, Michèle Alliot-Marie et le procureur Jean-Claude Marin ont foulé aux pieds la présomption d'innocence en présentant ceux de Tarnac, qui n'étaient encore qu'en garde à vue, comme de dangereux terroristes. Il y a un tas d'anomalies dans cette affaire. Julien Coupat et sa compagne, Yldune, étaient pistés depuis avril.

Pourquoi les policiers ne les ont-ils pas interpellés en flagrant délit quand ils se trouvaient à Dhuisy, près de la ligne TGV ? Pourquoi les enquêteurs se sont-ils focalisés sur ce seul crochet alors que, cette même nuit, quatre autres étaient posés sur d'autres lignes qui ont provoqué bien plus de perturbations mais aucune enquête ? Et pourquoi ne se sont-ils pas intéressés aux antinucléaires allemands qui, avant même le coup de filet de Tarnac, avaient revendiqué les sabotages ?

Le dossier est truqué. Faute d'éléments concrets, les policiers antiterroristes ont échafaudé toute une construction intellectuelle pour confondre Coupat.

Vous évoquez un rapport des RG sur l'« ultragauche » : « Du conflit anti-CPE à la constitution d'un réseau préterroriste international ».

Le pouvoir serait-il gagné à ce point par la paranoïa ?

Le pouvoir a peur. Tarnac s'inscrit dans un processus plus profond, celui d'une crise internationale qui lui fait craindre une explosion sociale violente, comme en Grèce.

Il veut anticiper en utilisant les lois antiterroristes, qui sont contraires à l'État de droit. On arrête d'abord les gens, puis on cherche les preuves après. Oui, les libertés publiques sont en danger.





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